Les droits d'enregistrement - La taxation des dons manuels
Page actualisée en septembre 2022
Au sommaire de cette page :
1- Acquisitions d'immeubles (mutations à titre onéreux)
2- Dons et legs
3- Dons manuels - Leur éventuelle taxation
Quelques définitions pour bien se comprendre
Par « mutation », il faut entendre la transmission d'un droit, d'un bien (immobilier par exemple) d'une personne à une autre.
Pour un bien immobilier, une mutation est « à titre onéreux » lorsqu'il y a transaction immobilière. Dans le cadre d'une donation, elle est « à titre gratuit ».
Le mot « enregistrement », dans la terminologie fiscale, désigne à la fois une formalité et un impôt.
L'enregistrement est une formalité qui constate l'existence d'un acte et lui donne date certaine. Les acquisitions d'immeubles, par exemple, sont soumises obligatoirement à l'enregistrement.
La formalité a un rôle fiscal essentiel. Elle constitue un mode particulier de taxation des opérations de la vie juridique.
L'impôt est normalement perçu au profit de l'État ou des départements sous la dénomination de « droits d'enregistrement » au service des impôts et de « taxe de publicité foncière » à la conservation des hypothèques.
La « conservation des hypothèques » est une administration qui enregistre les mutations d'immeubles et les inscriptions d'hypothèque ou de privilège qui les grèvent. Elle dépend du ministère des Finances.
Remarque : En Alsace et dans le département de la Moselle (département), le Livre Foncier remplace la Conservation des Hypothèques.
Aux impôts ou taxes recouvrés pour le compte de l'État ou du département peuvent s'ajouter certaines taxes perçues au profit d'autres bénéficiaires : communes et organismes divers.
1- Acquisitions d'immeubles (mutations à titre onéreux)
Tout contrat de vente immobilière doit faire l'objet d'un acte authentique réalisé par un notaire. A cette occasion, le notaire va prélever des frais, communément appelés « frais de notaire », à tort puisque seule une partie de ces frais va servir à rémunérer le travail du notaire, l'essentiel étant constitué de taxes et d'impôts reversés à l'Etat et aux collectivités locales.
Les frais de notaire se composent de 3 parties :
- Les droits de mutation : ils représentent l'essentiel des frais de notaire. Ce sont des impôts que le notaire collecte mais qu'il reverse à l'Etat et aux collectivités locales.
- Les honoraires ou émoluments du notaire : c'est la rémunération du notaire à proprement parler. Elle est fixée par décret au niveau national.
- Les débours : ce sont des frais administratifs que le notaire a engagés pour votre compte, notamment le salaire du conservateur des hypothèques et le certificat d'urbanisme.
Les droits de mutations à titre onéreux
Lors de l'acquisition d'immeubles, les associations sont assujetties :
- à une taxe départementale de publicité foncière ou à un droit d'enregistrement dont le taux est fixé à 3,60 % ;
Le taux peut être modifié par les conseils généraux sans que ces modifications puissent avoir pour effet de le réduire à moins de 1 % ou de le relever au-delà de 3,60 %.
(Art. 1594 D du CGI)
- à une taxe additionnelle de 0,20 % perçue au profit de l'État ;
- à une taxe communale dont le taux est fixé à 1,20 % ;
- au prélèvement de 2,50 % pour frais d'assiette et de recouvrement calculé sur le droit départemental. (Art. 1647 du CGI)
Taux global maximum : 3,60 % + 0,2% +1,20 % + 2,5% x 3,60 % = 5,09%.
Le prix exprimé dans l'acte constitue donc l'assiette de l'impôt ;
Le prix d'une vente est constitué par tout ce que le vendeur reçoit de l'acquéreur en échange du bien vendu.
L'impôt de mutation atteint non seulement le prix principal, mais encore les charges augmentatives du prix, les réserves et toutes les indemnités stipulées au profit du cédant.
Cependant, au prix principal, il convient de déduire les obligations contractées par le vendeur au lieu et place de l'acquéreur.
L'impôt de mutation doit être perçu sur la valeur vénale réelle de l'immeuble lorsqu'elle est supérieure au prix exprimé.
2. Dons et Legs (mutations à titre gratuit)
Les dons (constatés par acte authentique) et les legs sont assujettis aux « droits de mutation à titre gratuit ». Ces derniers peuvent être très lourds : dans certains cas, leur taux atteint 60 % !
L'article 795 du Code Général des impôts exonère entre autres les dons et legs faits aux associations cultuelles, aux unions d'associations cultuelles et aux congrégations autorisées.
Peuvent aussi bénéficier du régime de faveur, les églises et établissements religieux reconnus dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, ainsi que, par mesure de tempérament, les associations inscrites de droit local créées pour l'exercice des cultes non reconnus.
(Rép. Goetschy, JO 8 septembre 1988, Déb. Sén. quest. p. 990)
3. Dons manuels - Leur éventuelle taxation
Les dons manuels ne sont pas soumis au droit d'enregistrement, sauf dans trois hypothèses (article 757 du CGI) :
lorsque l'acte relatif au don renferme sa déclaration par le donataire ou son représentant ;
en cas de reconnaissance judiciaire du don ;
lorsque le don manuel est révélé à l'administration fiscale par le bénéficiaire soit spontanément, soit à la demande de l'administration fiscale ou au cours d'une procédure de contrôle.
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux dons manuels consentis aux organismes d'intérêt général (mentionnés à l'article 200 du CGI).
L'administration fiscale adopte désormais une conception très large de la taxation des dons manuels à travers la notion de « dons manuels révélés ».
Confortée par les décisions du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 4 juillet 2000 et de la Cour d'Appel de Versailles du 28 février 2002 (Témoins de Jéhovah / Direction des services fiscaux), l'administration fiscale estime aujourd'hui que le fait générateur de l'impôt peut résulter simplement de la présentation de la comptabilité par le contribuable vérifié.
Ainsi, toute association vérifiée, quelqu'en soit la raison, pourrait se voir réclamer le versement des droits de mutation s'appliquant aux libéralités faites entre personnes non parentes (60% des sommes reçues, sans compter les éventuelles pénalités).
Plusieurs réponses ministérielles sont venues confirmer les jurisprudences précitées.
Pour assurer une certaine « sécurité fiscale » aux associations, le gouvernement s'était « engagé à mener une réflexion d'ensemble sur la fiscalité du patrimoine dans laquelle serait examiné le régime fiscal des dons consentis aux associations. » (JO du 20 janvier 2003)
Cette réflexion a abouti à la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. C'est ainsi que son article 2 exonère les dons manuels consentis aux organismes d'intérêt général . Or les associations cultuelles ne sont pas d'intérêt général. En conséquence, lorsque ces associations revendiquent le bénéfice de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit pour les dons manuels, elles ne peuvent pas se fonder sur la loi du 1er août 2003. L'administration fiscale leur demandera donc de prouver qu'elles ont un caractère cultuel (c'est-à-dire qu'elles bénéficient des dispositions des articles 200 et 238 bis du CGI).
L'objet cultuel ne constitue pas une garantie imparable contre le risque de taxation des dons manuels.
Les associations cultuelles risquent-elles vraiment la taxation ?
En 2007, la Cour de cassation a de nouveau confirmé que la révélation d'un don manuel, fait générateur de la taxation aux droits de donation, n'exige pas un aveu spontané du don de la part du bénéficiaire .
L'association qui présente sa comptabilité lors d'un contrôle fiscal révèle à l'administration les dons manuels enregistrés dans cette comptabilité.
Concernant les Témoins de Jéhovah, la première décision des tribunaux a fait l'objet de critiques et d'inquiétude. Sans y revenir, il faut insister sur le fait que la portée de la solution aujourd'hui réaffirmée par la Cour de cassation ne se limite pas aux associations sectaires : au gré des contrôles fiscaux, tous les organismes qui ne présentent pas un caractère d'intérêt général sont susceptibles de voir l'administration amputer leurs dons manuels de 60 %. 60% est en effet le taux de taxation applicable, sans compter les intérêts de retard et les éventuelles pénalités. Or, les dons manuels constituent bien souvent la principale source de financement.
Une décision de cour d'appel a même été plus loin, estimant que la révélation peut émaner d'une personne autre que le bénéficiaire du don ; ainsi jugé que l'examen des relevés bancaires et des copies de chèques obtenus par l'administration auprès de la banque dans le cadre de l'exercice de son droit de communication peut révéler des dons manuels (CA Paris 15-4-2005 n° 03-370, 1e ch. sect. B, Sciandra).
L'article 795 du code général des impôts exonère de droits de mutation les dons et legs consentis aux associations cultuelles non sectaires.
Le décret 2007-807 du 11 mai 2007, relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte, portant application de l'article 910 du code civil, a institué un régime de libre acceptation des libéralités, assorti d'un pouvoir d'opposition de l'autorité administrative.
Le décret du 13 mars 1906 modifié a instauré une procédure de demande au préfet.
Les associations cultuelles qui ont déclaré leur qualité cultuelle au représentant de l'Etat dans le département, conformément à l'article 19-1 de la loi du 9 décembre 1905 et qui n'ont pas vu ce dernier utiliser son droit d'opposition, ou a attesté par écrit de la qualité cultuelle de l'association, pourront être rassurées.
Remarque :
Les sommes versées par une église mère sous forme de subvention pour la réalisation de ces missions ont une contrepartie précise et spéciale qui exclut l'intention libérale .
L'intérêt de la décision du tribunal de Nanterre en date du 14 février 2008 réside dans la différenciation qu'il a faite entre les offrandes et les subventions. En opérant cette distinction, le tribunal limite la portée de la jurisprudence « Témoins de Jéhovah » qu'il a initiée lui-même le 4 juillet 2000.
Voyez l'article : La jurisprudence opère une distinction entre les dons manuels et une subvention privée.
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) donne complet gain de cause aux associations françaises taxées :
Aux Témoins de Jéhovah c. France (requête n° 8916/05)
A la suite du redressement fiscal de plus de 45 M € notifié par l'administration fiscale française à l'Association les Témoins de Jéhovah au motif que les dons de ses adeptes devaient être soumis aux droits de donation au taux de 60 %, l'association avait attaqué la France devant la Cour européenne des droits de l'Homme pour atteinte à la liberté de religion.
Dans un arrêt retentissant du 30 juin 2011, la Cour a condamné la France pour ingérence dans la liberté d'exercer la religion par l'association les Témoins de Jéhovah. La France est condamnée à rembourser la totalité du montant des redressements déjà versés au Trésor public par l'association, soit près de 4,6 M € (6,5 M € avec les intérêts moratoires). La Cour recommande également instamment à la France de renoncer à recouvrer le reste des redressements et pénalités dus, soit près de 60 M € à ce jour.
Association Cultuelle Du Temple Pyramide c. France (requête n° 50471/07)
Association Des Chevaliers Du Lotus D'Or c. France (n° 50615/07)
Église Évangélique Missionnaire et Salaûn c. France (n° 25502/07)
Dans ces trois affaires les requérantes invoquaient en particulier l'article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion), alléguant que la taxation des dons manuels à laquelle elles avaient été assujetties avait porté atteinte à leur droit de manifester et d'exercer leur liberté de religion.
La France a été condamnée à rembourser 3 599 551 € à l'Association Cultuelle Du Temple Pyramide, 36 886 € à l'Association Des Chevaliers Du Lotus D'Or et 387 722 € à l'Église Évangélique Missionnaire et Salaûn pour préjudice matériel, ainsi que 49 568 € à l'Association Cultuelle Du Temple Pyramide, 10 000 € à l'Association des Chevaliers Du Lotus D'Or et 55 000 € à l'Église Évangélique Missionnaire et Salaûn pour frais et dépens.
Association de diffusion de la pratique de méditation tibétaine (n° 15-19.966)
La Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2016 a semble-t-il, clôt le débat sur la révélation des dons manuels au titre de l'article 757, al. 2 du CGI.
La Cour de cassation dans un attendu de principe, affirme que « la découverte d'un don manuel lors d'une vérification de comptabilité, résulterait-elle de la réponse apportée par le contribuable à une question de l'administration formée à cette occasion, ne peut constituer une révélation par le donataire au sens de l'article 757 du CGI ».
Les Hauts Magistrats de la Cour de cassation réitèrent la solution énoncée en 2013 selon laquelle la révélation doit être volontaire et la complètent en ajoutant que la réponse du contribuable ne constitue pas une telle révélation.
© 2010-2022 Gérard HUNG CHEI TUI / Actes 6
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